Entre les mois de mars et juin, notre journaliste Hélène Cys s’est installée sur l’agglomération de Valenciennes dans le cadre d’une résidence-mission d’Éducation aux Médias et à l’Information : elle nous raconte
Nous sommes à la fin du mois de juillet, et j’ai maintenant terminé ma résidence-mission depuis environ un mois et demi. Après avoir réalisé une vingtaine de projets sur une durée d’environ quatre mois, il a fallu que je reprenne ceux que j’avais mis entre parenthèses pendant cette période, mais j’ai surtout eu besoin de me reposer et de prendre un peu de recul avant de poser un regard sur cette riche expérience. Difficile de résumer ces derniers mois en quelques lignes mais j’essaierai au mieux de vous emmener avec moi dans cette période qui m’a permis de perfectionner mes projets et d’en réaliser de nouveaux.
Une résidence-mission, c’est quoi ?
Une résidence-mission se déploie à l’échelle d’un territoire, dans ce cas-ci, celui de Valenciennes Métropole qui la coordonne et la finance avec la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles) et ce, avec le soutien de l’Éducation nationale. Concernant les actions hors temps scolaire, c’est l’association du Printemps culturel qui m’a accompagné.
Pendant quatre mois, j’ai donc réalisé de l’EMI (Éducation aux Médias et à l’Information) dans plusieurs structures du territoire : établissements scolaires de la primaire au lycée, associations, médiathèques, MJC, établissement pénitentiaire, centre social… Le principe de ces résidences est de mettre à disposition du territoire un.e journaliste professionnel.le afin de sensibiliser les publics aux enjeux de l’information. L’EMI est au cœur des actions de notre association Buena Vista Video Club depuis ses débuts et, s’installer sur un territoire de cette façon est une grande opportunité pour tester de nouveaux projets, de nouveaux supports et de nouvelles façons de sensibiliser les publics à une consommation plus responsable de l’information.
Donner des clefs pour pérenniser les projets d’EMI
Contrairement aux projets que nous réalisons d’habitude, ceux réalisés dans le cadre d’une résidence-mission n’ont pas pour vocation de fabriquer un produit fini. Même si nous l’avons fait dans beaucoup d’établissements, ce n’est pas du tout le but premier. D’abord, il s’agit de partager un métier : celui de journaliste et d’en faire découvrir les coulisses afin de comprendre tous les mécanismes de fabrication de l’information, mais aussi de permettre au plus grand nombre de développer un esprit critique.
Mes interventions dans les établissements ont permis aussi de former les enseignant.e.s et personnes qui accompagnent les différents publics en réalisant des projets main dans la main avec elleux. Je pense à l’école Claude Monet à Bruay : l’enseignante avait du matériel audiovisuel mais ne savait pas l’utiliser. Je lui ai simplement montré comment réaliser un reportage, du tournage au montage, avec ses élèves afin qu’elle puisse reproduire la méthodologie avec d’autres classes à l’avenir. Cet exemple est le plus évident mais finalement, dans chaque établissement, j’ai sensibilisé les jeunes, mais j’ai aussi partagé des compétences avec les enseignant.e.s.
La diversité des médias
Je m’étais lancée un défi avant de commencer cette résidence-mission : sortir de ma zone de confort et travailler sur d’autres médias que celui de la vidéo. J’ai donc réalisé un documentaire radio sur les rêves avec trois détenus mineurs de l’établissement pénitentiaire de Quiévrechain. J’ai beaucoup apprécié découvrir le monde de la radio, d’autant plus dans ce contexte carcéral – il me semblait que ça avait plus de sens de mettre de côté l’image. D’ailleurs, en parallèle, avec le Centre social de Quiévrechain, nous avons travaillé un reportage vidéo sur le même sujet, avec un groupe intergénérationnel. Vous pouvez retrouver le résultat ici.
Depuis quelques temps, je me demande comment intégrer la presse écrite dans mes actions d’éducation aux médias. Finalement, je me suis dis, qu’associé à la photo, le travail de rédaction, peut être un peu moins pénible pour les jeunes. Dans les collèges de Condé et Vieux-Condé, nous avons monté une expo photo. Avec les enseignantes, nous avons préparé une rencontre entre deux classes de chacun des établissements. Chaque élève a interviewé un.e élève de l’autre collège. Puis chacun.e est passé devant l’objectif de mon appareil photo avec un objet qui le.la représente. Après avoir réécouté l’interview qui avait été enregistrée, il a fallu sélectionner une phrase forte de l’entretien qu’on allait associer à la photo. Lors de la dernière séance, nous avons accroché les portraits et leur légende sur les murs des deux collèges.
J’ai également rencontré plusieurs groupes pour un « one shot » : une rencontre pour parler du métier de journaliste, expliquer le fonctionnement de la presse et partager mes diverses expériences. C’était aussi l’occasion pour des classes et leurs enseignant.e.s de piocher quelques conseils pour leurs projets média à venir.
De l’écologie à l’histoire : des enquêtes diversifiées
Ce que j’ai adoré durant cette résidence, c’est qu’avec les groupes que j’ai accompagnés, j’ai travaillé sur des sujets que je ne connaissais pas forcément, autrement dit qui n’étaient pas nécessairement mes sujets de prédilection. Bien sûr, il y a eu des reportages sur l’environnement et le sexisme que j’ai déjà traités et que je continue de traiter, mais il y en a eu aussi sur l’histoire, la culture ainsi que des sujets plus abstraits comme la mémoire, le lien et les rêves.
J’ai remarqué que ces sujets plus philosophiques permettaient de pousser à des réflexions plus personnelles et pouvaient instaurer des débats, ce qui vient compléter une approche journalistique qui a le même objectif, celui de développer un esprit critique. De plus, ce sont des thématiques assez universelles qui se rapportent autant au collectif qu’à l’intime.
Les reportages participatifs
Les reportages participatifs constituent la proposition principale dans l’association Buena Vista Video Club et c’est globalement ce que j’ai mis en place durant la résidence. Selon moi, l’éducation aux médias passe par la pratique. Découvrir le métier de journaliste, la fabrication de l’information et la complexité du processus permet de comprendre les mécanismes de l’information et aidera ensuite les publics à s’informer avec plus de recul et de regard critique.
Comment ça se passe ? Les jeunes deviennent journalistes le temps du projet et moi, je les accompagne dans la réalisation de leur reportage. Je filme et fais en sorte d’obtenir un résultat professionnel. Le terme « participatif » sous-entend aussi ma participation personnelle et mon regard sur la réalisation. J’apporte mes compétences journalistiques, techniques et déontologiques au projet. Il s’agit vraiment de produire ensemble. Pour le moment, vous pouvez retrouver sur le site trois reportages participatifs réalisés durant la résidence-mission : l’enquête sur les stéréotypes de genre avec une classe de 4ème du collège Lavoisier de Saint-Saulve , le reportage sur les passions à la médiathèque de Condé-sur-l’Escaut ainsi que le reportage sur les rêves avec le Centre social de Quiévrechain. D’autres arriveront bientôt, le temps de s’assurer des droits à l’image.
L’ornithologie s’invite dans l’association et mes projets
Durant ma résidence-mission, j’ai eu l’occasion, grâce à la Médiathèque d’Aulnoy-lez-Valenciennes, de réaliser ma première exposition de faune sauvage. Passionnée depuis 2020 d’ornithologie, j’ai enfin pu exposer mes photos. Le dispositif des résidences permet ce genre de rencontre et d’opportunité que je n’aurais peut-être pas eu l’occasion de réaliser dans un autre contexte. Ma première exposition Sauvage(s) a vu le jour et pourra s’installer dorénavant dans d’autres lieux de culture, d’éducation et de rencontres.
Dans les écoles, j’ai diffusé également mon film Premier printemps, sorti en mars 2023. C’était l’occasion d’échanger avec les enfants sur ma démarche journalistique ainsi que sur l’écologie et leur environnement direct. Ce film est un outil de sensibilisation à la faune locale mais aussi un moyen de parler de documentaire, de subjectivité et d’enquête journalistique.
Presse
J’ai eu la chance de bénéficier d’une couverture médiatique durant la résidence, notamment de la part de La Voix du Nord qui a relayé quelques temps forts.
Valexplorer a aussi couvert mon exposition et rédigé un très bel article que vous pouvez retrouver ici.
Merci également à Joris de Radio Club pour son invitation et ce bel échange.
Et bien sûr, je vous invite à découvrir le magnifique documentaire d’Isabelle Cadière qui a été présente durant trois séances, sur deux projets.
H.CYS