Hélène Cys, notre journaliste et fondatrice de l’association a suivi un dispositif CLEA (Contrat Local d’Éducation Artistique) qu’elle a commencé en janvier. Nous lui passons le clavier sur le champ pour qu’elle nous raconte tout ce qu’elle a fait pendant 4 mois et ce qui lui reste à faire les semaines à venir
Ces quatre derniers mois ont été assez dingues, épuisants et stressants mais ce ne sont pas ces adjectifs que je vais retenir mais plutôt ceux-là : riches, puissants, émouvants, intenses, heureux. Ce que j’ai appris en quatre mois est immense. J’ai été confrontée à des publics tellement différents qu’il a fallu s’adapter constamment. Mon plus grand apprentissage a été de parfaire mes méthodes pédagogiques, de comprendre ce qui fonctionnait et ce qui ne fonctionnait pas dans mes ateliers d’Éducation aux Médias. J’ai appris aussi qu’à l’avenir, j’allais privilégier les projets en co-construction. Quel plaisir de travailler main dans la main avec d’autres personnes qui viennent de milieux différents; dans ce cas précis, de l’éducation nationale et du médical.
Le CLEA, un dispositif à échelle d’un territoire
Avant de vous raconter mon CLEA, je vais vous rappeler un peu ce que c’est. A vrai dire, dans mon cas, il s’agit davantage d’un contrat d’éducation journalistique. Ce dispositif, mis en place par l’agglomération Hénin-Carvin et chapeauté par le 9-9 bis, m’a permis de faire de l’EMI (Éducation aux Médias et à l’Information) sur un territoire entier. Des établissements (scolaires et médicaux) se sont inscrits pour développer des projets avec moi. Chacun avait déjà une idée, voulait travailler sur un sujet en particulier, ou d’une façon particulière et moi, j’ai apporté mes compétences et guidé les projets.
Au total, j’ai mené des actions dans 16 établissements différents et j’ai rencontré des publics d’écoles primaires, de collèges, de lycées et aussi des adultes. Les projets pouvaient se dérouler sur le long terme ou sur une seule séance. Certains mélangeaient des pratiques journalistique et technique, avec une prise en main de matériel vidéo et son; d’autres étaient plus axés sur la réalisation; et il y avait aussi des discussions autour du journalisme, ou des projections des réalisations de l’association.
Transmission de valeurs
Bien entendu, il est question ici de journalisme mais je pense être allée au-delà de cet aspect. Ce qui m’importe, c’est d’accompagner les jeunes dans leur liberté de penser. Qu’on le veuille ou non, nous sommes informé.e.s d’une façon ou d’une autre. Constamment. Ce qui m’importe, c’est que la jeunesse ne se laisse pas influencée et manipulée; qu’elle ne laisse pas aller à la haine de l’autre, qu’elle ne pense pas que certaines personnes valent plus que d’autres.
Analyser. Réfléchir. Questionner. Critiquer. Revendiquer. Penser. Douter. Changer d’avis. Les objectifs de mes interventions sont multiples.
Si je devais classifier les projets que j’ai développés, je dirais qu’ils tournent autour de trois thématiques : l’environnement, le féminisme, le territoire. Effectivement, ce sont des sujets qui me touchent et qui sont au coeur de mes actions, mais si nous les avons traités, c’est parce que les personnes avec qui je travaillais avaient cette envie aussi.
Et concrètement ?
Tout d’abord, il y a eu les rencontres ponctuelles autour d’une discussion et / ou d’une projection. L’idée était bien souvent de présenter mon métier de journaliste, le fonctionnement des médias, les réalités de terrain, mes expériences en télévision ou encore la déontologie. J’en ai profité aussi pour me renseigner sur le rapport des jeunes à l’information. Pour discuter avec eux de leur avenir et de cette pression à choisir UN métier. De l’importance de se laisser guider par ses passions et de refuser les cases.
J’ai aussi eu l’opportunité de projeter les deux premiers épisodes de BADASS pour ensuite discuter de comment on réalise un reportage / documentaire, et aussi d’échanger sur les sujets des stéréotypes de genre ou des femmes dans l’espace public. C’est très réjouissant de se rendre compte que les questions féministes animent autant la jeunesse – aussi bien filles que garçons.
J’ai aussi projeté Yapuka à une classe de CM2. C’était la première fois que j’animais un échange avec des enfants ! Forcément, il a fallu adapter le discours mais je dirais qu’ielles ont été plutôt réceptif.ve.s. Une petite fille est venue me voir à la fin de la projection en me disant que dorénavant, elle allait ramasser des déchets quand elle irait promener son chien. Et d’ajouter : « Merci Hélène, c’était vraiment super ! » . Les compliments des enfants n’ont pas de prix !
Ensuite, il y a les projets sur lesquels les jeunes étaient vraiment en charge de la réalisation, et moi derrière la caméra. Je me suis dit que le fait qu’ielles n’aient pas à gérer la technique allait permettre de se concentrer sur le fond de leur sujet. Il y a donc deux mini-documentaires qui vont voir le jour les semaines à venir. Le premier, c’est avec l’école Louis Aragon à Carvin. Grâce aux comédiennes de la Collective Ces-filles-là, nous avons pu rencontrer avec les élèves des sportives de haut niveau (deux footballeuses, une kayakiste et une boxeuse) pour essayer de comprendre en quoi les stéréotypes de genre pouvaient être des freins pour les femmes (et même pour les hommes), et comment elles ont réussi à les surmonter.
Le deuxième, c’est avec le lycée Darchicourt à Hénin-Beaumont. Nous nous sommes questionné.e.s avec la classe de 1ère, option géopolitique, sur leur territoire : pas seulement sur son passé minier mais sur ce qu’il est aujourd’hui, comment il évolue, naturellement et culturellement. Ce travail a été aussi pour moi l’occasion de m’approprier ce secteur – pourtant à quelques kilomètres de chez moi – que je connais peu. Je l’ai arpenté en long en large pour tourner des plans qui allaient illustrer ce travail. C’est un peu le reportage qui représentera ma découverte du territoire.
Puis, il y a tous les projets de création de reportages par les publics. Parmi ceux qui me tiennent à coeur : le projet de journal télévisé autour de la thématique environnementale avec l’école Michelet. Les CM2 ont réalisé quatre reportages et normalement, nous allons réussir à faire une restitution. Peut-être la seule, au regard des conditions sanitaires. Les deux projets avec les structures médicales ont été particulièrement importants pour moi. D’abord, celui avec l’hôpital de jour. C’était passionnant, parce que nous avons vraiment fait une enquête à la Cash Investigation sur les dommages écologiques causés par l’usine Metaleurop. Les participants se sont confrontés aux difficultés de réaliser un reportage sur un sujet sensible. Puis, il y a aussi les projets avec l’IME (Institut Médico-Éducatif) qui m’ont beaucoup plu aussi. J’ai dû apprendre à m’adapter aux difficultés des enfants et au final, je pense qu’ielles m’ont plus apporté que le contraire…
© Hélène Cys
Et maintenant ?
Il me reste maintenant trois semaines avant la fin de ma résidence. Ma priorité : terminer les projets en cours, notamment celui avec l’école Marcel Cachin à Montigny-en-Gohelle. C’est un projet autour de leur vie de quartier, des problématiques d’un territoire : le manque de commerce, la sécurité, la vie scolaire, et bien sûr… un reportage sur l’égalité fille-garçon ! J’aurai aussi l’occasion de faire une dernière projection Yapuka avec le collège Jean de Saint-Aubert. Ce n’était pas le projet initial mais on s’adapte ! Et puis, on enregistrera les dernières voix off et les dernières images.
Bien entendu, je remercie tou.te.s les enseignant.e.s qui ont été dans la construction active auprès de moi, qui m’ont permis de me remettre en question dans mon travail et qui m’ont montré de nouvelles façons d’intervenir, ainsi que le 9-9 bis, et plus particulièrement Mathilde Beauchamp, notre coordinatrice qui a su rendre les moments de stress plus rassurants.
Découvrez la vidéo de la résidence-mission d’Hélène Cys, réalisée par Anna Lawan